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Ladislas KIJNO (1921 – 2012)

 

Ladislas KIJNO - Sans titre 1955
Ladislas KIJNO - Série des écritures blanches, 1959
Ladislas KIJNO - Palme 1963

Document sans nom

Bernard Dorival
Ancien Conservateur en chef du Musée National d’Art Moderne
Professeur à l’Ecole du Louvre et à l’Université de Paris Sorbonne
Paris, le 1er janvier 2000
Mon cher Lad,
VOILA TOUT JUSTE UN DEMI SIECLE QUE J’AI FAIT TA CONNAISSANCE. Tu étais tout jeune alors et je n’étais pas encore vieux. J’étais venu depuis ma résidence de vacances jusqu’au plateau d’Assy pour y rencontrer notre ami MAROIS. C’est lui qui eut l’idée de me conduire à toi.
Tu vivais parmi des gens de qualité, les DEGEORGES, les TOBE, les DORMEUIL, sans oublier l’admirable chanoine DEVEMY qui te procura ta première occasion de donner ta mesure de peintre. Ce fut cette Cène de la crypte de Notre-Dame de toute-Grâce où, avec la naïveté et l’inconscience de tes vingt ans, tu bouleversas l’iconographie traditionnelle au profit d’une iconographie nouvelle et poignante. Plus tard, j’eus l’occasion de rencontrer dans le bassin houiller du Pas-de-Calais, ta mère dont j’admirais la foi qu’elle avait en toi – une foi que partage ton épouse Malou dont on ne dira jamais assez quelle aide fut et est pour toi dans ta vie d’homme et d’artiste.
Cet artiste, j’en ai suivi amicalement l’itinéraire, un itinéraire que tu as vécu sous le signe de l’indépendance. Aveugle et sourd aux mots d’ordre et aux modes, tu es un homme libre, ce qui n’est pas si fréquent dans l’art d’aujourd’hui. Tu as fait, et fais encore, la peinture que tu as besoin de faire, celle que tu te pousses à créer ta nécessité intérieure et qui en fait un long aveu, un aveu bouleversant de ton âme (permets- moi ce mot démodé maintenant; je n’en vois pas de meilleur pour caractériser ta peinture).
Cette peinture, elle a beaucoup évolué, heureusement, au cours du temps, mais elle est restée, heureusement encore, elle-même. Ce qui la définit, si je ne trompe, c’est d’abord ton geste.
Autoritaire, impérieux, impérial, il plaque sur tes supports, une matière plutôt économe avec une telle assurance que l’on ne saurait contester la force qui résulte de ce mouvement de ton poignet à ta main. C’est un fait, comme est fait ta présence. Et la seconde composante majeure de ce que tu crées, c’est la lumière, ta lumière, une lumière que tu as trouvé le moyen de multiplier par ton invention de tes papiers froissés. En effet, à froisser un papier préalablement peint, tu crées des arêtes qui laisse jouer la clarté et des creux qui restent dans la demi-pénombre. La surface de ton œuvre n’est plus que frémissement, respiration, vie, un peu comme ces montagnes du Plateau d’Assy où nous nous sommes rencontrés. Dessin, couleur, matière sont, de la sorte, soumis à la forme que tu aimes, simple et évidente, régnant sur le support, mais doublant aussi sa plasticité d’un lyrisme et, mieux encore, d’une spiritualité qui font que ta peinture, expression totale de toi-même, s’adresse à la totalité de ton spectateur et fait vibrer en lui toutes ses fibres les plus intimes. Ton art est dialogue, et c’est assez pour que chacun l’admire et l’aime.

Bravo, Lad, et à bientôt. Tu sais mon amitié.
Source : catalogue de la rétrospective Kijno au Musée Russe d’Etat Russe de Saint-Pétersbourg, 2006, Palace Editions

 

Lydia Harambourg
Historienne et critique d’art
A écrit dans «L’école de Paris 1945-1965»
Dictionnaire des Peintres, Editions «Ides et Calendes» Paris, 1993

D’origine polonaise côté paternel, celle picarde du côté maternel fait émigrer la famille à Nœux-les-Mines en 1925. L’enfant grandit dans un environnement musical – son père premier prix de violon au conservatoire de Varsovie  enseigne le violon le soir après son travail dans les mines - et rural, tout en subissant l’influence rousseauiste de son grand-père maternel forgeron, mais aussi poète et philosophe. Très tôt il se passionne pour le dessin, représentant tout ce qui l’entoure. Poursuit des brillantes études classiques à Arras (1936). A cette époque entreprend une série d’allégories au fusain où apparaît le thème de la boucle que reviendra tout au long de son œuvre. Découvre dans une revue Picasso et les dessins de Pignon sur les mineurs. 1938-1942 études de philosophie et crise mystique. De graves problèmes de santé l’obligeront à des réguliers séjours en sanatorium au Plateau d’Assy.
Y fait sa première exposition sur le thème des Jeux d’échecs. Pendant plusieurs années, il assimilera l’intégration de l’art moderne à l’église d’Assy dont la décoration placée sous la direction du chanoine Devémy et du Père Couturier, sera assurée par Rouault, Matisse, Bonnard, Lurçat, Bazaine, Braque, G. Richier, Léger, Lipchitz, Chagall. En 1949 Kijno reçoit la commande d’une Cène pour la crypte. Des violentes réactions accueilleront l’œuvre. Correspond avec Claudel, milite auprès de Lanza del Vasto. 1947 sa rencontre avec Germaine Richier dans son atelier, avenue de Châtillon, par l’intermédiaire de Claude Mary, son élève la plus proche, est décisive. Germaine Richier aura une forte influence sur le débutant qui fait aussi la connaissance de son époux René de Solier. Il décide de se consacrer à la peinture. Les circonstances pratiques ne lui permettent alors que de réaliser des dessins et des gouaches: thème des violons et violoncelles, études des musiciens et intérêt pour les instruments en cuivre pour leurs formes complexes.
Les formes sphéroïdes et ovoïdes – sous l’influence de l’œuf, symbole de la forme absolue – pour lesquelles il éprouve une forte attirance, amènent les rythmes courbes à devenir de plus en plus abstraits, car pour Kijno «l’univers est une expansion courbe; l’énergie, la matière sont symboliquement comme une boule» (entretien avec le peintre). Premières recherches sur les papiers froissés («L’enfant naît froissé, et, avec le vieillissement l’homme meurt froissé, c’est une constatation biologique, mais se défend d’être un théoricien») ce qui domine ce sont l’instinct et la rigueur (Id. entretien), et l’espace sériel sculpto-pictural.
Il compare son travail à Assy à une «île flottante dans ma vie (1949-1950). Assy a détruit pour moi le phénomène figural» (entretien avec Solier). Il veut trouver des équivalences plastiques, des relations rythmiques. D’où les courbes citées plus hauts qui prennent de plus en plus d’importance.

Source: catalogue of the Kijno retrospective at the State Russian Museum in Saint-Petersburg, 2006, Palace Edition


 

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